Jamet, emblème de la Côte Rôtie

Terroir Côte RôtieReportage captivant chez l’un des maîtres de cette appellation mythique.

Depuis la plaine du Rhône, il faut gravir une côte de quelque cinq kilomètres pour arriver au lieu-dit Le Vallin, fief du domaine Jamet, une bâtisse blanche allongée et entourée d’une mosaïque de bosquets, de champs et de vignes, où Jean-Paul et sa femme Corinne nous reçoivent.

Jamet, c’est l’un des papes de la Côte Rôtie, un des grands vignerons de France, et nous mesurons le privilège de travailler avec lui et de passer plusieurs heures en sa compagnie à décrypter son approche du vin en général et d’un terroir mythique en particulier.

Domaine JametPas de doute, voilà un vigneron de caractère, qui a forgé ses certitudes au fil du temps passé dans des terrasses abruptes où son instinct lui a indiqué le cap à suivre. Il ne se réclame d’aucune tradition, d’aucune filière familiale. Oui, ses grands-parents maternels faisaient du vin mais il ne les a pas connus. Son père avait bien des vignes mais généralement il en vendait les raisins au négoce.

En bref, pour Jean-Paul Jamet, tout a commencé en 1986, « après dix ans de rodage avec son père, » aime-t-il à préciser, quand il a repris le domaine. Pour lui, c’est le présent – et rien d’autre – qui compte désormais, et cette ligne tracée par l’évolution et l’expérience, cette philosophie qui a fait la valeur et la réputation du domaine.

La philosophie de l’assemblage

« Ma philosophie ? C’est l’assemblage, » dit-il. Ne lui parlez donc pas de sélection parcellaire. Seule la Brune, sa Côte Rôtie haut de gamme, ne provient que d’une seule parcelle sur la délimitation cadastrale Côte Brune, dont il connaît la qualité, la régularité et l’équilibre, millésime après millésime.

« Je n’aime pas me focaliser sur un vin, une parcelle ou un millésime, » poursuit-il. « Je ferai peut-être une cuvée spéciale pour mon propre plaisir, en fonction de la particularité de l’année et de ce que m’offre le raisin mais ma priorité reste la Côte Rôtie d’assemblage. »

Vignes et forêtCette Côte Rôtie classique repose donc sur une savante alchimie de 25 parcelles sur 15 lieux-dits différents, avec chacun sa subtilité de terroir et ses qualités propres. La matière première est vinifiée et élevée isolément ou par regroupement de lieux-dits avant le grand rassemblement final précédant la mise en bouteille.

« L’avantage d’un tel nombre de parcelles, c’est une diversité des sols et des expositions qui offrent une multitude de spécificités, voire divers stades de maturité avec lesquels on peut jouer pour composer l’assemblage définitif, » ajoute-t-il. « Le désavantage c’est évidemment un surcroît de travail. »

En cave, Jean-Paul Jamet aime les vendanges entières. La quantité de raisins égrappés est généralement inférieure à 10% mais elle dépend tout de même, on s’en doute, de la maturité des baies.

« En 2008 j’ai dû érafler 40% de la vendange, en 2009 je m’en suis voulu de ne pas avoir conservé les 5% de rafles que j’ai enlevées, » précise-t-il. Et en 2012 ? Dans ce millésime qu’il qualifie de compliqué sur le terrain en Côte Rôtie, Jean-Paul Jamet pense pouvoir vinifier avec au moins 80% de vendanges entières.

« On s’est en bien sorti finalement, » se réjouit-il. « Il y a certes un peu moins de raisin mais je me dis toujours que des millésimes comme 2009 ou 2010, c’est du bonus, alors que là, c’est simplement une année normale. »

LE DOMAINE JAMET EN BREF

Terroir

Sols de granit sur schiste et de schiste. Des quelque 12 hectares du domaine – 11 hectares de Syrah, 1 hectare dominé par la Marsanne (55%) et le Viognier (30%) et complété par un peu de Roussanne (10%) et de grenache blanc (5%) – les deux tiers sont situés en Côte Rôtie, le reste en Côtes du Rhône et en Vin de Pays. L’âge des vignes est très variable, les plus vieilles ont été plantées en 1940, époque de la création de l’AOC Côte Rôtie et de la reconstitution de ce vignoble, qui avait quasiment disparu dans les années 30.

Viticulture

« Je ne suis pas bio mais je réduis les traitements au strict minimum, » explique Jean-Paul Jamet. « En 2011, j’ai fait trois traitements en tout et pour tout. Combien de vignerons peuvent en dire autant ? En début de saison, il n’y a pas d’autre alternative que les produits de synthèse  pour lutter contre le black rot. Ensuite j’essaie de diminuer l’usage du cuivre afin de limiter les résidus dans les sols et les vins. »

Jean-Paul Jamet est aussi l’un des rares vignerons à utiliser des échalas de 2,5 mètres. « J’ai gardé ce palissage historique de la Côte Rôtie, qui permet au système foliaire de s’étaler en hauteur. C’est important pour la maturité. Je ne rogne d’ailleurs qu’une fois de toute la saison, au début juillet. »

Vinification et élevage

Le Côtes du Rhône blanc  est vinifié pour 50% en cuve, 45% en barrique de plusieurs vins & 5% de fût neuf.

Les rouges sont vinifiés en cuves inox avec des levures indigènes et très peu d’intervention.

Le Côtes-du-Rhône rouge est élevé un an dans des barriques de 8 à 15 ans d’âge.

Les Côte Rôtie restent deux ans en fûts de 225, 300, 500 et 600 litres (demi-muids) dont 85% sont âgés de 3 à 15 ans et 15% sont neufs, dans lesquels se font les fermentations malolactiques, car « cela permet une meilleure intégration du bois » selon Jean-Paul Jamet.

« Pour certains deChai Jamet mes vins, je préfère les petits contenants, qui offrent un environnement moins réducteur. Cela me permet d’éviter les manipulations. Sauf exception  Je ne fais aucun soutirage une fois que le vin est entonné, » explique Jean-Paul Jamet.

Pour la mise en bouteille le soufre est réduit au minimum. En général, il n’y a ni collage ni filtration

DEGUSTATION

Jamet, Côtes-du-Rhône blanc 2011

Cet assemblage de Marsanne, Viognier, Roussanne et Grenache blanc se déploie sur la pêche, l’abricot et les fleurs blanches. La bouche, légèrement fumée, conjugue densité, tension et longueur avec une belle définition du fruit.

 Jamet, Côtes-du-Rhône rouge 2011

Mis en bouteille en octobre 2012, l’ensemble est gourmand, fruité à souhait, posé sur une structure à la fraîcheur tonique et souligné par des tanins croquants. Un vin dynamique, typique du millésime 2011.

Jamet, Côte Rôtie 2012, vendange égrappée, sur cuve

Nez encore un peu sauvage aux senteurs de cassis et de mûre, bouche déjà gourmande, plus sur la tendresse que sur l’ampleur

Jamet, Côte Rôtie 2012, vendange entière, sur cuve

S’ouvrant sur des notes de ronce, ce jus est un peu plus végétal que le précédent (ce n’est guère une surprise), doté de plus de matière aussi, encore un peu strict mais on aime déjà les beaux tanins affinés.

Jamet, Côte Rôtie 2011, lieux-dits Chavaroche/Lancement, sur fût

D’une belle complexité aromatique avec ses notes de créosote, de rose, de violette, de ronce et de girofle, dévoilant beaucoup de délicatesse au palais et une souplesse de tanins remarquable.

Jamet, Côte Rôtie 2011, lieux-dits Plomb/Mornachon, sur fût

Un peu fauve et animal au nez. La bouche est, elle, juteuse de cassis, dense mais à la tannicité plus marquée que dans le vin précédent.

Jamet, Côte Rôtie 2011, lieu-dit Gerine, sur fût

Le nez dévoile une indéniable élégance fumée et florale, un charme qui se poursuit avec une texture déjà soyeuse, toute de droiture et de fraîcheur, aux tanins racés et à la longue finale poivrée. Superbe !

Jamet, Côte Rôtie 2011, lieux-dits Fongeant/Côte Bodin/Moutonne/Leyat, sur fût

Les petits fruits noirs sont bien présents, ils se fondent dans un joli toucher de bouche, porté par une trame finement articulée et des tanins fermes mais bien définis.

Jamet, Côte Rôtie 2011, lieux-dits Landonne (majoritaire)/Moutonne/Côte Blonde/Côte Rozier, sur fût

Nez sur la violette et la mûre écrasée, bouche aux jolies touches lardées, effilée et rectiligne, déjà bien patinée, à l’équilibre magnifique.

Jamet, Côte Rôtie 2011, lieux-dits Truchet/Bonnivières/Tartaras, sur fût

Au nez comme en bouche, on se croirait dans un champ de violettes, et même si l’ensemble se montre ici encore un peu compact, avec des tanins serrés, on reste dans le registre de la finesse de chair.

Jamet, Côte Brune, Côte Rôtie 2011, sur fût

La cuvée phare se fait aérienne et veloutée, elle possède déjà cette profondeur, cet équilibre, cette complexité de saveurs et cette précision tannique que l’on recherche dans les plus grands vins.

jametJamet, Côte Brune, Côte Rôtie 2010

La même cuvée en 2010 enchante par ses arômes de cassis, d’épices douces et de boisé fin, et une trame élancée, tout en allonge. Les tanins doivent certes encore se policer, mais on est sur une perspective de longue garde : 15 ans au moins.

Jamet, Côte Rôtie 2010

Assemblée et mise en bouteille en novembre 2012, la cuvée classique se montre très florale (pivoine, violette) sur fond de boisé aussi discret qu’élégant. La bouche ne manque pas de plénitude tout en maintenant un caractère délié et subtil. La finale un peu serrée est à mettre sur le compte de la mise. Elle ne va pas tarder à s’ouvrir.

Jamet, Côte Rôtie 2009

Nez de sous-bois, de mûre et de réglisse, belle harmonie de texture, d’une rondeur gracieuse. Les tanins ont encore la fougue de leur jeunesse mais ils suggèrent déjà la distinction. Grande rémanence.

Jamet, Côte Rôtie 2004

Intenses arômes de fruits noirs bien mûrs, d’olive et de cuir, avec une touche fumée discrète. Bouche d’une élégance raffinée, ample et profonde. De sa stature élancée à ses tanins ciselés, tout concourt dans ce vin à un équilibre sans faille. Une caresse !

Jamet, Côte Rôtie 1998

Des senteurs truffées et épicées, relevées d’une touche de cuir annoncent une bouche sphérique, civilisée, qui respire l’harmonie, et une interminable finale, sur l’olive.

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