Avec son frère aîné Frédéric, Emmanuel Humbert est à la tête d’un domaine de 7 hectares à Gevrey-Chambertin.
Leur grand-père Fernand Dugat était un des deux seuls pépiniéristes à Gevrey-Chambertin. Il allait sélectionner et greffer lui-même les meilleurs Pinot. Il a d’ailleurs laissé aux frères Emmanuel et Frédéric Humbert des vieilles vignes de 80 ans. Ce qui fait dire à Emmanuel qu’il est dès lors « assez facile de faire des bons vins avec un tel héritage. »
Calendrier lunaire
Ce dernier s’occupe principalement de la viti-viniculture alors que Frédéric est davantage au bureau. Quant au vignoble, il est constitué de 2,5 hectares de grand cru, 1,5 hectare de premier cru et de village, 0,5 hectare de Fixin et 2 hectares de Bourgogne. Il est travaillé selon les principes de l’agriculture raisonnée, avec le maximum possible de labours. Et une partie des activités au chai se déroule au rythme du calendrier lunaire.
Immédiatement devant le domaine, les vieilles vignes de Craipillot reposent sur un sol argilo-calcaire, alors qu’un peu plus loin, les terroirs de Poissenot, la Petite Chapelles, Estournelles-St-Jacques et la Combe de Lavaux se feront résolument plus minéraux avec une couche de terre deux fois moins épaisse.
« Les parcelles ne se ressemblent pas mais les vendanges et la vinification restent pareilles, c’est donc uniquement le terroir qui fait la différence », souligne Emmanuel Humbert.
Acidité plutôt que maturité
Un petit rire secoue sa carrure d’ancien rugbyman quand il nous assène qu’ « au début, son frère et lui produisaient des vins trop acides auxquels ils rajoutaient encore de l’acide tartrique ! » Une manière de faire comprendre que trente vinifications plus tard, le domaine a trouvé son style et son caractère. « Tout en nous assurant d’atteindre un bel équilibre, nous continuons à rechercher l’acidité plutôt qu’une maturité poussée à la limite », poursuit Emmanuel. « D’aillleurs, je n’aime pas trop les vieux vins, je préfère ceux qui sont frais et friands. »
Levures indigènes
En cave, après une macération préfermentaire à froid (5-6 jours à 15°C), la vinification se veut traditionnelle, avec des levures indigènes et une préférence aux remontages plutôt qu’aux pigeages. Ensuite, les interventions sont réduites au minimum avec un soutirage pendant la fermentation malolactique et un autre durant les 16 à 18 mois d’élevage, puis une mise en bouteille sans collage ni filtration.
L’élevage se fait en fûts neufs à 100% pour les premiers crus et le grand cru et à 40% pour les villages. La chauffe des barriques, qui viennent de chez François Frères pour une partie et de Séguin-Moreau pour l’autre, est minimale. « Quand la matière première est bonne, le bois neuf apporte une touche de vinosité supplémentaire et patine davantage les tanins », estime Emmanuel Humbert. «Et après quelques années, il se fond totalement. »
Vigneron depuis 1983, âgé de 45 ans, Emmanuel Humbert n’hésite pas encourager les jeunes viticulteurs de Gevrey-Chambertin. « Il y en a de très forts, ils en veulent et possèdent beaucoup de connaissances, ils sont meilleurs que nous à leur âge, » dit-il volontiers.
Son meilleur souvenir de dégustation reste un Mouthon-Rotschild 1988 pour son boisé formidable. « Cela m’a fait beaucoup réfléchir sur le bois neuf », dit-il. Mais il apprécie particulièrement plusieurs autres domaines de Bourgogne (Denis Mortet, Armand Rousseau, Arnoux-Lachaux) et d’ailleurs (notamment Rayas et Charvin à Châteauneuf-du-Pape).
Crus 2010 dégustés sur fût
Emmanuel Humbert nous a reçus plusieurs heures à son domaine et fait déguster la quasi totalité de ses 2010 sur fût. Voici quelques notes sélectionnées :
Craipillot 1er cru 2010
Sans doute l’un des vins les plus élégants et les plus « féminins » réalisés par le domaine Humbert. Vinifié avec 30% de raisins non éraflés et élevé à 100% dans le bois neuf, il se distingue par ses arômes floraux (violette mais aussi fleur d’abricotier) et une bouche élancée, aux tanins déjà raffinés.
Petite Chapelle 1er cru 2010
D’une belle droiture, avec ses notes torréfiées renforcées par une minéralité bien présente, cette cuvée possède un peu plus de structure mais ne se dépare pas de la finesse de texture et de la tendresse des tanins recherchées par Emmanuel Humbert et qui expriment bien le terroir plus calcaire de la Petit Chapelle.
Poissenot 1er cru 2010
Il est produit 4000 bouteilles de Poissenot (contre respectivement 900 et 600 pour Craipillot et Petite Chapelle). Avec un hectare de vignes d’une moyenne d’âge de 40 ans, le domaine Humbert possède la moitié de cette appellation (les domaines Mortet, Dugat-Py et Geantet-Pansiot se partageant le reste). Le vignoble bénéficie d’une belle exposition au sud, avec des journées chaudes et des nuits très fraîches qui confèrent au raisin un équilibre magnifique. On retrouve dans le vin cette harmonie entre minéralité et maturité du fruit.
Estournelles Saint-Jacques 1er cru 2010
Les vignes de cette parcelle ont 60 ans et produisent de très petites baies. La cuvée 2010 présente un nez certes encore boisé mais bien marqué par les fruits noirs aussi. En bouche, c’est le vin le plus riche, le plus opulent et le plus structuré de la série, le plus tannique également. Il va s’assouplir avec le temps.
Charmes-Chambertin Grand Cru 2010
Vinifié avec un tiers de grappes entières, le grand cru est à la fois dense et complexe, avec un supplément de profondeur et d’allonge. Les notes torréfiées de l’élevage ne masquent pas le friand du fruit. Il a un bel avenir devant lui.